Du nouveau dans l’investissement formation ?

L’actualité récente revient sur la notion d’investissement formation : L’Autorité des normes comptables, par un règlement soumis à l’homologation,  (N° 2019-09 du 18 décembre 2019) a ouvert la voie à l’amortissement des dépenses de formation, mais uniquement celles réalisées par un prestataire externe accompagnant un investissement, quel qu’il soit. Autre nouveauté : toutes les dépenses de formation pourront être détaillées en annexe comptable. Ce règlement, après homologation, devrait rentrer en vigueur au cours de cette année.

Au moment où la réforme raréfie les fonds mutualisés du Plan de développement des compétences ; Plusieurs points de vue ont été publiés, notamment par les Echos, pour sensibiliser les acteurs (Décideurs économiques, comptables, politiques, syndicalistes….) aux nécessités de reconnaître désormais la formation comme un véritable investissement de l’entreprise. Cette opinion reposant sur le fait que « un an de formation supplémentaire par habitant augmente de 4 à 6% le PIB » (Mathias Nirman – Les Echos 30 janvier 2020) et sur le constat qu’avec la révolution numérique, les entreprises vont devoir massivement répondre aux besoins de compétences des salariés (Orange a ainsi annoncé, fin janvier, un plan de formation global à hauteur de 1,5 milliard d’euros). Le transport a même négocié depuis 2017 un accord d’investissement formation « Nous attirons particulièrement votre attention sur la nouvelle obligation conventionnelle liée au financement : Investissement Formation – Il est créé un investissement formation, pour toute entreprise visée par le présent accord, à hauteur de 0,5 % de sa masse salariale annuelle. La note vous précise les conditions de mise en œuvre de cette nouveauté ». Usp valeurs – entrée en vigueur de l’accord formation

Reconnaître, d’une manière générale, la formation comme un investissement supposerait quelques aménagements à apporter à la loi « Avenir professionnel » et aux pratiques actuelles de « gestion » de la formation:

En premier lieu, clarifier la notion de cotisation formation qui permet aujourd’hui aux entreprises d’essayer de récupérer une partie de leur versement par des subventions de l’OPCO (fonds mutualisés pour les entreprises de moins de 50 salariés, financement du dispositif de la PRO A). Cette possibilité apporte une certaine confusion entre les dépenses de formation au titre de l’obligation de l’entreprise à former son personnel (ce que l’on nommait l’adaptation au poste de travail) et l’anticipation des besoins en compétences. L’investissement doit en effet correspondre à un choix stratégique, à une dépense volontariste et non à une capacité de récupération d’un crédit d’impôt assise sur la nécessité de répondre à ses obligations légales. Ainsi on peut regretter que 52% des responsables de formation ne soient pas satisfaits de la réforme, « car elle fait disparaître certains dispositifs de financement », (selon une enquête du Garf Groupement des acteurs et responsables de la formation) car ce constat dénote que dans bon nombre d’entreprise la diminution des aides financières est associée à la réduction des actions de formation et à des incertitudes sur le devenir des responsables de formation. On attendrait, au contraire, que les responsables de formation se félicitent de pouvoir déployer la formation grâce à de nouveaux moyens (création de CFA, elearning, AFEST…).

En second lieu, développer des outils d’évaluation. Gérer la formation comme un véritable investissement suppose un travail sur les notions de définition d’objectifs, d’identification des résultats attendus, d’évaluation des effets induits… Les méthodes restent sur ces champs encore très artisanales et insuffisantes au regard de partenaires potentiels dans l’investissement. C’est pourtant vers ces pratiques qu’il faut tendre. Ainsi les coûts de création d’un CFA d’entreprise doivent pouvoir s’apprécier en regard des frais de recrutement engagés par l’entreprise chaque année pour intégrer, par exemple, des jeunes. Il faut, dans ce cas précis, une approche globale, qui permet également d’appréhender les charges causées par les dysfonctionnements (recrutements sans suite, ruptures au cours de la période d’essai, difficultés d’intégration…).

Enfin, il resterait à convaincre très largement les managers. Ceux-ci devraient intégrer la formation comme une variable stratégique à comptabiliser dans l’atteinte des objectifs et la valorisation des résultats d’une entreprise. En effet, si aujourd’hui l’appréhension de la valeur d’une société résulte du calcul de sa valeur financière sur la base de données comptable et aussi sur l’anticipation de son futur développement potentiel, la qualité des ressources humaines n’est guère appréhendée. Elle est pourtant un facteur primordial de pérennité des résultats ou de redéploiement en cas de cession/acquisition.

Pierre Caspar, l’un des experts de la formation en France, observait en 1988 que « distinguer entre les dépenses de routine et dépenses de progrès (conduirait) à mesurer leurs parts respectives et à introduire de la rigueur dans l’identification des ressources réellement affectées au progrès » (*). Aujourd’hui où l’époque est au très court terme, aux résultats immédiats, des travaux de valorisation de l’investissement dans les compétences seraient particulièrement bienvenus. Avec le développement du plein emploi et de fait, les recrutements dans certains métiers qui vont s’avérer problématiques ; nul doute que beaucoup d’entreprises vont devoir penser la formation autrement et l’insérer dans une stratégie de « capital humain ».

(*) Pierre CASPAR & Christine AFRIAT – L’investissement intellectuel – Essai sur l’économie de l’immatériel – Economica 1988

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